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Leon Foucault, “Recueil Travaux Scientifiques de Leon Foucault”, Paris, 1878年

===================== p173-184 =====================
(Académie des Sciences, 6 mai 1850.)
4.Voir Comptes Rendus de l'Ac. des Se, t.XXX, p551-560, 1850.

Méthode générale pour mesure la vitesse de la lumière dans l'air et les milieux transparents.
Vitesses relatives de la lumière dans l'air et dans l'eau.
Projet d'expérience sur la vitesse de propagation du calorique rayonnant

La nouvelle méthode expérimentale que je propose pour évaluer la vitesse de la lumière se propageant à petite distance, est fondée sur l'emploi du miroir tournant inventé par M. Wheatstone, et indiqué par M. Arago, comme pouvant servir à attaquer ce genre de question.
Le miroir tournant associé à un appareil optique convenable permet en effet de constater, à moins d'un trentième près, la durée du double parcours de la lumière à travers une colonne d'eau de 3 mètres de longueur, et lorsqu'on se propose d'opérer seulement dans l'air, une légère modification de cet appareil permet d'atteindre à un degré de précision dont il n'est pas encore possible de préciser la limite.
Une troisième modification, ayant pour but de ménager beaucoup les pertes de lumière, servira, ainsi que j'ai pu m'en rendre compte, à constater par des indications thermométriques que le rayonnement calorique, jusqu'ici inséparable de la lumière, se propage avec la même vitesse.

Pour faire connaître ces expériences, j'aurai à décrire les diverses dispositions du système optique ainsi que la nouvelle machine qui me sert à animer le miroir tournant d'un mouvement rapide et promptement mesurable : on opère avec la lumière solaire; on le peut aussi avec la lumière électrique.

Un faisceau de lumière directe pénétrant par une ouverture carrée traverse presque aussitôt un réseau présentant onze fils verticaux de platine au millimèlre; de là il se dirige vers une excellente lentille achromatique à long foyer, placée à une distance du réseau moindre que le double de la distance focale principale.
L'image du réseau tend à se former au delà sous des dimensions plus ou moins amplifiées ; mais, après avoir traversé la lentille, le faisceau tombe avant sa convergence en foyer sur la surface du miroir tournant, et, entraîné d'un mouvement angulaire double de celui du miroir, il forme dans l'espace une image du réseau qui se déplace avec une grande rapidité.
Dans une portion assez limitée de son trajet, cette image rencontre la surface d'un miroir concave ayant son centre de courbure sur le centre de figure et sur l'axe de rotation du miroir tournant, et pendant tout le temps qu'elle se promène à sa surface, la lumière qui a concouru à la former rebrousse chemin et vient retomber sur le réseau lui-même en une image d'égale grandeur.
Pour observer cette image sans masquer le faisceau d'origine, on place obliquement sur le faisceau, auprès du réseau, entre lui et la lentille objective, une glace parallèle, soit épaisse, soit mince^ et l'on observe avec un puissant oculaire les images déjetées sur le côté.
Quand la glace est épaisse, les deux images sont plus ou moins complètement séparées ; quand la glace est mince, elles se recouvrent en partie, et l'on choisit pour l'inclinaison de la glace sur le faisceau un angle tel, qu'il y ait superposition des lignes noires équidistantes dont elles sont sillonnées ; par ce moyen, l'on utilise les réflexions des deux surfaces.
Le miroir en tournant fait reparaître cette image à chaque révolution, et si la vitesse du mouvement de rotation est uniforme, elle reste immobile dans l'espace.
Pour des vitesses qui ne dépassent pas trente tours par seconde, ses apparitions successives sont plus ou moins distinctes, mais au delà de trente tours, il y a persistance des impressions dans l'œil, et Timage paraît absolument calme.

Il est facile de démontrer que le miroir, en tournant de plus en plus rapidement, doit déplacer cette image comme si elle était entraînée dans le sens du mouvement.
En effet, la lumière qui s'échappe entre les mailles du réseau n'y revient qu'après avoir subi sur le miroir tournant deux réflexions séparées par la durée de son double parcours du miroir tournant au miroir concave.
Or, si le miroir tourne très-vite, la durée de ce va-et-vient, même dans une longueur restreinte de k mètres, ne peut passer pour nulle, et le miroir a le temps de changer sensiblement de position, ce qui se trahit par un déplacement de l'image formée par le rayon réfléchi au retour.
Rigoureusement parlant, cet effet se produit dès que le miroir tourne, même lentement; mais il ne devient observable que quand il acquiert une certaine grandeur, et qu'on emploie pour le constater des précautions particulières.
Tous mes efforts ont tendu à rendre cette déviation aussi apparente que possible.

Le principal obstacle à surmonter tient à ce que, dans un trajet aussi compliqué, la lumière ne peut se reconstruire en un foyer bien net; l'étranglement que le faisceau éprouve en se réfléchissant deux fois sur le miroir tournant à très-petite surface, détruit nécessairement la netteté de l'image et apporte dans ses contours un trouble absolument inévitable; c'est pour cela qu'on a pris pour source de lumière les espaces linéaires équidistants ménagés entre les fils d'un réseau très-fin.
Bien que l'image qu'on en obtient ne soit jamais nette, elle se présente sous la forme d'un système de rayures blanches et noires semblables à des franges incolores et dont chacune présente un maximum et un minimum de lumière bien déterminé» Ainsi que les fils mêmes du réseau, ces espaces lumineux ou obscurs sont distants les uns des autres de 1/11 de millimètre, et si, pour les observer, on place dans l'oculaire un micromètre divisé en dixièmes de millimètre les deux systèmes de lignes fonctionnent, par leurs déplacements relatifs, à la manière du vernier, et permettent de saisir, sans équivoque, dans l'image un déplacement de 1/100 de millimètre.

D'après la vitesse déjà connue de la lumière, avec un objectif de 2 mètres de foyer et en opérant sur un double parcours de 4 mètres, on rouve qu'il ne faut pas donner au miroir une vitesse bien exagérée (6 à 800 tours) poor obtenir des déplacements de 2 et 3 dixièmes de millimètre.
Mais il est un moyen bien simple de doubler retendue des déviations, et qui peut être utile en maintes circonstances ; j'y ai déjà eu recours plusieurs fois, et je me suis assuré qu'il réussit.
Il consiste à faire réfléchir, comme l'indiqua Bessel, le faisceau lumineux du miroir tournant sur un miroir fixe auxiliaire placé tout près, et de celui-ci sur le miroir tournant avant et après son excursion sur le miroir concave.
On obtient ainsi, par la considération de l'image virtuelle du miroir tournant dans le miroir auxiliaire, le même effet que M. Arago a obtenu du concours de deux miroirs tournant simultanément en sens inverse, avec cet avantage que le miroir tournant et son image ont toujours des positions rigoureusement symétriques, mais en subissant les inconvénients d'une notable diminution d'intensité et d'une augmentation du trouble de l'image.

Telle est la disposition de l'appareil optique qui m'a permis de constater la propagation successive des rayons lumineux.
Mes premières expériences ont réussi dans l'air avec un miroir qui ne faisait pas plus de vingt-cinq à trente tours par seconde, la longueur du double parcours étant de k mètres.

Pour les exécuter dans l'eau, il n'y a qu'à interposer entre le miroir tournant et le miroir concave une colonne de ce liquide maintenue entre deux glaces parallèles dans un tube métallique conique, intérieurement verni au copal, afin que l'eau y demeure transparente et limpide, à prendre les précautions nécessaires pour que les glaces terminales ne soient pas forcées dans leurs montures, et pour obvier à l'inconvénient de rallongement du foyer par l'interposition d'une couche liquide à faces parallèles de 3 mètres d'épaisseur.
On arrive en fin de compte assez facilement à obtenir, avec le rayon affaibli et verdâtre qui a traversé l'eau, une image aussi distincte qne celle qui se forme sans l'interposition du liquide.
Il n'y a donc plus absolument qu'à s'occuper de faire tourner le miroir et de mesurer avec précision sa vitesse de rotation, si l'on tient à en déduire les vitesses absolues dans l'air et dans l'eau, ou bien à opérer simultanément sur ces deux milieux si l'on veut seulement reconnaître le sens de la différence de ces deux vitesses.

Jusqu'à présent, pour communiquer à un miroir un mouvement de rotation rapide, on a eu recours à des moyens différents.
M. Wheatstone, en se servant d'un fil flexible agissant sur une poulie solidaire avec Taxe, a obtenu une vitesse de six à huit cents tours par seconde.
Après lui, M. Bréguet, utilisant les propriétés précieuses de l'engrenage de White, a obtenu de mille à quinze cents tours.
Il me semble que ces deux modes de communication de mouvement ont Tinconvénient d'être trop rapidement destructeurs, de ne pas permettre de changer la vitesse d'une manière continue, ou de la maintenir constante pendant un temps suffisamment long.

L'appareil qui m'a servi est, je pense, à l'abri de ces divers reproches; il communique au miroir une vitesse qui varie, à volonté, de trente à huit cents tours, et que l'on maintient suffisamment constante et mesurable au moment même de l'observation.

Il consiste en une petite turbine à vapeur assez comparable à la sirène, mais qui donne comparativement peu de son.
On emploie la vapeur fournie par une chaudière sous une pression d'une demi-atmosphère; la vapeur esi surchauffée par une lampe à l'alcool au moment où elle va s'engager dans la machine.

Elle s'échappe par deux orifices percés obliquement sur un même diamètre dans la paroi supérieure de la chambre placée sous le plateau de la turbine, qui lui-même est percé de vingt-quatre trous inclinés en sens inverse, et séparés les uns des autres par de minces parois.
Ces parois sont les aubes de la turbine qui, à cause de leur peu de hauteur, n'ont pas besoin d'être courbes.
Les orifices d'écoulement de la vapeur ont un diamètre cinq ou six fois plus grand que l'épaisseur des palettes, en sorte que l'écoulement de la vapeur est continu et ne donne que peu de son.

On conçoit sans peine le principal avantage d'une pareille communication de mouvement.
La force motrice engendrée dans la chaudière se communique sans choc à l'axe de la turbine.
Il n'y avait plus à craindre que l'effetde la pression suivantl'axe ; pour l'annuler, j'ai faitmonter sur cet axe un plateau de contre-pression, qui approche extérieurement la paroi inférieure de la chambre de vapeur, laquelle est comprise entre le plateau percé et le plateau plein.
Sur ce dernier débouchent des orifices qui exercent une pression de sens inverse à celle qui est due à Técoulement des jets moteurs sur le plan oblique des palettes; mais j'ai bientôt reconnu que la pression verticale que je voulais ainsi combattre reste inférieure pour une demi-atmosphère au poids de Taxe tournant et de ses appendices et que cette pression ne fait que soulager la machine.
Mais je me réserve d'employer ce plateau de contre-pression lorsque, poussant les choses à l'extrême, j'essayerai d'obtenir les plus grandes vitesses de rotation possibles.


L'axe de la turbine se prolonge inférieurement au-dessous de la chambre de vapeur, et il est interrompu par un anneau d'acier, dans lequel on engage le miroir de verre, maintenu en place comme les objectifs de lunette dans leur barillet, entre deux viroles à vis garnies de rondelles de plomb ; ce miroir est taillé dans une glace parallèle et recouvert d'un dépôt d'argent sur l'une de ses faces : il constitue une masse solide et cylindrique, dont le centre de gravité passe au centre du mouvement, et qui résiste efficacement aux déformations que tend à produire le développement excessif de la force centrifuge.
Au-dessous de l'anneau porte-miroir, l'axe reparaît, trempé et terminé en cône, comme à son extrémité supérieure ; il est d'ailleurs maintenu vertical entre deux vis d'acier non trempées, fixées au bâti de la machine par des contre-écrous , et percées, dans toute leur longueur, d'un canal étroit qui se termine par une empreinte conique, dont l'ouverture s'accommode avec les cônes terminaux de l'axe de rotation.
Le canal, qui traverse la vis d'outre en outre, est destiné à l'aménagement de l'huile, qui afflue continuellement sous l'effort d'une pression d'une colonne de mercure de 30 à AO centimètres de hauteur.
Le conducteur, M. Froment, qui m'a prêté le concours de son zèle et de son talent, a employé tous ses soins au centrage exact de l'axe et de ses annexes ; c'est la seule partie délicate de la machine.
Plus ce centrage est exact, moins le martelage inévitable se fait sentir aux points d'appui, et plus la marche de la machine est rapide, constante et durable.
Du reste, on procède à la rectification de celte pièce importante avec la plus grande facilité.

Il va sans dire que, pour la mise en expérience, le miroir est abrité par des écrans convenablement disposés contre le jaillissement de la vapeur et de l'huile, et contre les courants d'air échauffé.
On peut même le faire tourbillonner dans une enceinte très-limitée, où l'on entretient par un écoulement constant une atmosphère artificielle de gaz hydrogène, dont la très-petite masse équivaut presque au vide ; c'est encore une ressource que je me réserve pour l'occasion où je me propose d'expérimenter sur de très-grandes vitesses.

Je ne me hasarderai pas encore à donner des nombres ni à poser la formule qui sert à les interpréter; je me bornerai seulement à constater que les déviations obtenues sur un trajet de U mètres sont observables au trentième de leur grandeur.
Jusqu'à présent, la vitesse de rotation des miroirs n'a été évaluée que par la hauteur du son que donne en tournant l'axe qui les porte, au moyen des battements qu'il fournit avec le son d'un diapason étalonné.
La turbine s'accorde du lieu même où l'on observe, en réglant l'écoulement de la vapeur par le moyen d'un robinet dont la clef porte un long levier que l'on fait manœuvrer, à distance, avec un fil qui s'enroule sur un treuil placé sous la main.
J'indiquerai plus loin un moyen beaucoup plus sûr et plus rapide pour évaluer à tout instant la vitesse de rotation des miroirs.

En me bornant à des appréciations de la vitesse par le son, j'ai déjà constaté, par deux observations successives, que la déviation de Vimage après le parcours de la lumière dans l'air est moindre qu'après son parcours dans l'eau.
J'ai fait aussi une autre expérience confirmative, qui consistait à observer l'image formée en partie par la lumière qui a traversé l'air, et en partie par la lumière qui a traversé l'eau.
Pour les vitesses faibles, les rayures de l'image mixte étaient sensiblement continues les unes aux autres, et par l'accélération du mouvement de rotation y l'image s'est transportée, et les rayures se sont rompues à la ligne de jonction de V image aérienne et de l'image aqueuse; les rayures de celles-ci prenant V avance dans le sens de la déviation générale.
De plus , en tenant compte des longueurs d'air et d'eau traversées , les déviations se sont montrées sensiblement proportionnelles aux indices de réfraction.
Ces résultats accusent une vitesse de la lumière moindre dans l'eau que dans l'air et confirment pleinement, selon les vues de M. Arago, les indications de la théorie des ondulations.

Il est à remarquer, comme Ia fait observer M. Arago, séance tenante, que l'expérience, en démontrant une vitesse moindre dans l'eau que dans l'air, est tout à fait décisive et qu'elle prononce sans appel entre les deux systèmes.
Si l'on eût irouvé un résultat inverse, la théorie de Newton restait encore soutenable, mais la théorie des ondulations n'était pas nécessairement renversée, attendu qu'il est possible de constituer ïélher de manière à expliquer, quel qu'en soit le sens, le changement de vitesse aux changements de milieux.

Pour compléter les prévisions de M. Arago, il ne restait qu'à constater le sens de la dispersion qui accompagne nécessairement la déviation du rayon qui a traversé un milieu réfringent.
La délicatesse des moyens d'observation inhérents à la méthode, me laisse l'espoir d'arriver à fournir ce compltément désirable.

Les expériences qui viennent d'être rapportées ne comportent pas une grande précision, attendu qu'on est limité par la longueur à donner à la colonne d'eau qui doit être traversée deux fois par le faisceau lumineux ; à moins de recourir à des artifices nouveaux, il n'est guère possible de donner à cette colonne plus de 3 mètres de longueur, tant l'eau la plus transparente absorbe la lumière en la colorant en vert.
Je ne sais ce que produiront, dans les mêmes circonstances, d'autres liquides, tels que l'alcool, l'essence de térébenthine, le sulfure de carbone, etc., sur lesquels je me propose d'opérer; mais quand les expériences se font dans l'air seulement, il est possible, en modifiant quelque peu la disposition optique, de faire intervenir des longueurs extrêmement considérables, et d'arriver par suite à des mesures excessivement précises.
Les déviations peuvent être singulièrement agrandies et se compter par centimètres.
Dans ces nouvelles circonstances , l'exactitude des mesures ne dépend plus de la grandeur du phénomène optique qui peut être évaluée au demi-millième, mais de la difficulté qu'on rencontrerait à donner au miroir un mouvement d'une exactitude du même ordre.
Je vais essayer de décrire le complément à donner à l'appareil optique pour le rendre applicable à des distances indéfiniment croissantes.

Sans changer la disposition déjà connue, rien n'empêche de doubler, de tripler le rayon de courbure du miroir concave, et de le placer à une distance double ou triple; seulement, on est bientôt arrêté dans l'allongement progressif de ce rayon par plusieurs difficultés.
Si l'on ne veut pas perdre d'intensité, il faut donner à ce miroir, à mesure qu'on l'éloigné, une surface plus grande et proportionnelle au carré de la distance au miroir tournant ; et sans compter la difficulté qu'on éprouverait à faire construire un pareil miroir pour une distance de 50 mètres, il devient de plus en plus difficile aussi de l'orienter de façon à placer son centre de courbure exactement sur le centre de figure du miroir tournant.
C'est pour lever du même coup tous ces obstacles, que je place entre le miroir tournant et le miroir concave, aussi éloignés qu'on les suppose l'un de l'autre, jusqu'à concurrence de plusieurs centaines de mètres, une chaîne d'un nombre pair d'objectifs à long foyer, qui se transmettent de deux en deux, et alternativement, l'image mobile du réseau et l'image fixe du miroir tournant.
L'extrémité de cette chaîne se termine par le miroir concave, qui conserve alors ses petites dimensions et son petit rayon de courbure, qui reçoit la dernière image du réseau, et qui est orienté de manière à renvoyer la lumière dont elle est formée sur la surface de l'objectif le plus voisin ; on est sûr, dès lors, que le faisceau remonte la chaîne et repasse exactement par le miroir tournant sans pouvoir être déjeté dans aucune direction.
En définitive, cette série d'objectifs que la théorie permet d'allonger indéfiniment, que la pratique limitera sans doute, a pour effet de saisir le faisceau dès qu'il tombe sur la lentille la plus voisine du miroir tournant, de s'opposer à sa divergence et de changer son mouvement angulaire dans l'espace en un mouvement de serpentement qui le retient dans la ligne d'expérience pendant un temps nécessaire à l'excitation de la sensibilité de la rétine.

Au premier abord, une objection se présente, à laquelle je me hàle de répondre.
Le faisceau de lumière, au moment où il s'engage dans cette série de lentilles, tombe sur le bord de la première d'entre elles, et il les rencontre de deux en deux sur des bords alternativement opposés , puis , un moment après, il tombe au centre de la première lentille, et chemine directement dans tout le système ; il serait à craindre que, dans ces deux positions, le faisceau n'eût à parcourir des routes notablement différentes, ce qui serait fâcheux dans une expérience qui aurait pour but d'arriver à une haute précision; mais je ferai remarquer d'abord qu'en raison des foyers très-longs qu'on emploie pour réduire le plus possible le nombre des verres, cette obliquité est très-faible; en outre, on démontre qu'entre deux foyers conjugués des lentilles, les rayons qui passent par le centre et par les bords parcourent des chemins sinon égaux, du moins équivalents, en sorte que l'objection devient nulle, et que la disposition demeure irréprochable.

Reste enfin à discuter la question relative à la régularité de la marche du miroir et aux moyens de mesurer sa vitesse de rotation.

Remarquons d'abord que l'image rayée qui semble permanente au foyer de l'oculaire, a une certaine étendue, 2 millimètres carrés; que cette image est, en réalité, intermittente, et que ses apparitions réitérées sont en même nombre que les tours des miroirs.
Profitant des apparitions périodiques de l'image, je masque la partie supérieure par le bord d'une roue de 5 centimètres de diamètre et fendue de 400 dents.
Supposant que cette roue, mue par un appareil chronométrique, fasse exactement 2 tours par seconde, il est clair qu'en une seconde il passera 800 dents sous le regard de l'observateur; mais si, de son côté, l'axe de la turbine donne 800 tours par seconde, il y aura 800 apparitions de l'image du réseau ; et, comme les apparitions sont très-courtes relativement à 1/800 de seconde, les dents successives de la roue se substitueront exactement les unes aux autres dans l'intervalle de deux apparitions, et la roue paraîtra immobile.
Puis, pour peu qu'il y ait de discordance, soit en plus, soit en moins, entre les retours successifs de l'image et les passages des dents, autrement dit , pour peu que la turbine exécute plus ou moins de 400 tours pour un tour de la roue dentée , celle-ci s'armera d'un mouvement apparent de sens contraire ou de môme sens que son mouvement réel; dès lors on saura dans quel sens il faut agir sur l'écoulement de vapeur pour établir une concordance complète, accusée par une apparente immobilité du bord denté de la roue.
Il est parfaitement inutile de s'attacher à maintenir cette concordance pendant plus de quelques secondes, car il suffit de saisir le moment de l'apparente immobilité de la roue pour faire aussitôt l'observation de la déviation de l'image.
Ces deux observations, dont l'une concerne la vitesse de la turbine et l'autre la déviation du faisceau réfléchi, sont, pour ainsi dire, simultanées; la première sert seulement d'avertissement pour procéder immédiatement à la seconde.
En réalité, l'appareil à roue dentée est un compteur surajouté à la turbine qui, mécaniquement, n'influence aucunement sa marche et qui n'est qu'en simple relation optique avec elle.

Je terminerai en montrant que la même méthode fournit les moyens de mesurer approximativement la vitesse de propagation du rayonnement calorifique.
Les travaux des physiciens modernes, et particulièrement de M. Melloni, ne permettent plus de conserver de doute sur l'identité des rayonnements lumineux et calorifiques; ce sont deux effets d'une même cause; toute modification qu'on imprime à l'un doit se retrouver dans l'autre.
Si la lumière est déviée dans l'expérience qui vient d'être décrite, le lieu de l'influence caloriGque doit se déplacer avec elle.
Il me semble que la constatation de ce fait mérite d'être tentée.
On y arrivera par le thermomètre même, en ménageant convenablement l'intensité du faisceau lumineux.

Lorsque le miroir tournant est au repos et qu'il se présente sous l'incidence voulue, tout l'appareil optique est incessamment traversé par le rayonnement lumineux, et l'image du réseau possède une intensité plus que suffisante pour impressionner un de ces petits thermomètres que nous avons employés avec M. Fizeau pour la recherche des interférences calorifiques.
Quand le miroir, agissant par ses deux faces, se met à tourner, cette image conserverait la même intensité si, dans son mouvement de translation, l'image mobile ne cessait de tomber sur une surface miroitante et sphérique ayant son centre sur le centre du mouvement.
Or, il est permis de se rapprocher de ces conditions en multipliant les miroirs sphériques et en les alignant sur le trajet de l'image mobile ; un petit thermomètre, placé tout auprès de la source de lumière du côté vers lequel l'image fixe doit se dévier, sera en effet impressionné dès que cette déviation sera sufGsamment agrandie par la vitesse de rotation.
Je n'en dis pas davantage sur une expérience qui est encore à faire.

Ce mémoire ne contient, en réalité, qu'un seul résultat : c'est la réussite, par des moyens nouveaux , de l'expérience décisive imaginée depuis plusieurs années par M. Arago pour prononcer définitivement entre les deux théories rivales de la lumière ; mais ce mémoire a encore pour but de prendre date pour une série d'applications de la nouvelle méthode, laquelle consiste essentiellement dans l'observation de l'image fixe d'une image mobile.

Les circonstances qui m'ont obligé à rédiger précipitamment ce mémoire ne m'ont pas permis de traiter la partie historique de la question.
En publiant la suite de mon travail, je ne manquerai pas de rappeler
les magnifiques recherches de ceux qui m'ont précédé, de M. Wheatstone, de M. Ârago, et de M. Fizeau.

Si les physiciens accueillent favorablement le fruit de mes premiers efforts, que tout l'honneur en revienne à M. Arago qui^ dans une pensée d'une hardiesse admirable, a montré que les questions relatives à la vitesse de la lumière devaient passer du domaine de l'astronomie dans celui de la physique, et qui , par une généreuse abnégation , a permis aux jeunes savants de se lancer avec ardeur dans la voie qu'il leur a tracée.

 

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4. Voir aussi Arm. de Ch. et de Phys. [3], l. XLÎ, p. 489.
(Thèic de doctorat es sciences physiques, 25 avril 1853.)

Sur les vitesses relatives de la lumièr dans l'air et dans l'eau.

PRÉLlMIiNAlRES HISTORIQUES.

A l'époque où j'entrepris ce travail, la science possédait déjà trois méthodes différentes pour déterminer la vitesse de la lumière.
L'astronomie a fourni les deux premières, fondées sur l'observation des éclipses des satellites de Jupiter, et sur le phénomène de l'aberration des étoiles.
La troisième a été imaginée plus récemment par M. Fizeau, et rentre dans le domaine de la physique expérimentale.
Sans atteindre au môme degré de précision, ces diverses méthodes se contrôlent les unes les autres, de telle sorte qu'il ne peut plus subsister le moindre doute sur la véritable valeur de la vitesse de la lumière dans l'espace vide ou dans notre atmosphère.
Quant aux vitesses que prend la lumière en pénétrant dans les milieux réfringents, elle n'était donnée que par le calcul, qui, interprétant la réfraction dans le système de l'émission ou dans le système des ondulations, donnait, selon l'hypothèse adoptée, des résultats bien différents.
M. Arago, dès l'année 1838, fit le premier sentir l'importance d'une expérience qui, sans même conduire à la mesure exacte des vitesses de la lumière dans des milieux inégalement réfringents, mettrait seulement leur différence en évidence, et fixerait, par suite, les physiciens sur la manière d'interpréter la réfraction.
La méthode expérimentale que je vais décrire dans ce Mémoire^ offrant la possibilité de mesurer la vitesse de la lumière dans un trajet très-court, permet d'opérer sur différents milieux, et donne la solution complète de l'importante question posée, il y a quinze ans, par M. Ârago.

Mais, avant d'entrer en matière, il convient de jeter rapidement un coup d'œil sur l'ensemble des phénomènes naturels ou artificiellement produits, qui sont susceptibles de mettre en évidence la propagation successive des rayons lumineux.

En astronomie, les phénomènes se sont produits d'eux-mêmes; ils se sont d'abord montrés comme des anomalies ; on ne les cherchait pas, on ne s'attendait pas à les rencontrer, on n'a eu qu'à les observer et à les rapporter à leur véritable cause pour en déduire, par le calcul, le chiffre exprimant l'étonnante vitesse de la lumière.
Ce résultat porte le caractère distinctif des œuvres de l'astronomie; il est empreint d'une haute précision, et l'on peut encore douter que les expériences faites à la surface de la terre puissent prétendre un jour au même degré d'exactitude; jusqu'à présent, du moins, on n'a cherché qu'à contrôler approximativement par la physique les nombres fournis par les observatoires, et l'on s'estime heureux d'avoir obtenu des valeurs qui oscillent assez largement autour du chiffre véritable.

Le phénomène sensible qui dut révéler pour la première fois la vitesse de la lumière, se passe dans les limites de notre système planétaire; il a été observé et expliqué par Roëmer, dans le courant des années 1675 et 1676; il consiste, comme on sait, dans l'inégalité apparente des retours successifs des éclipses de satellites qui accompagnent Jupiter.
Le premier de ces satellites surtout, à cause de son petit volume, de la rapidité de sa marche et de sa proximité de la planète, offre à l'observation le spectacle d'immersions dans l'ombre et d'émersions très-nettes et faciles à saisir.
C'est un flambeau qui s'allume et qui s'éteint à des intervalles de temps réellement égaux, et que l'on observe à des distances variables.
Entre l'opposition et la conjonction, la dislance de la terre à Jupiter augmente de toute la valeur du diamètre de l'orbite terrestre.
Pendant cette période, les émersions seules sont visibles et semblent de plus en plus tardives, par rapport aux instants équîdistants où elles devraient paraître quand on les déduit du nombre d'éclipsés qui arrivent pendant Tannée entière.
Entre la conjonction et l'opposition, la distance entre les deux planètes se réduit d'un diamètre de l'orbite terrestre, et pendant cette seconde période, on ne peut voir que les émersions, qui se précipitent de manière à rétablir une compensation exacte.
La somme des retards pendant la période d*éloignement est égale à la somme des avances pendant la période de rapprochement, et chacune d'elles donne le temps qu'emploie la lumière ;\ franchir le diamètre de notre propre orbite.
Ce temps, mesuré directement aux instruments chronométriques, s'est trouvé égal à 16m,26s; ce qui donne, en tenant compte de l'espace parcouru par la lumière, une vitesse de 79572 lieues de 4000 mètres par seconde.

Cinquante années plus tard, Bradley arriva au même résultat, par l'étude approfondie d'un mouvement annuel auquel participent toutes* les étoiles, et qui est désigné, dans la science, sous le nom d'aberration.
En vertu de l'aberration, toutes les étoiles semblent déplacées vers le point du ciel où aboutit la tangente menée à l'orbite terrestre par le point qu'occupe la Terre h un moment donné et dans le sens môme de son mouvement de translation.
Le plan perpendiculaire à cette ligne trace sur la sphère céleste un grand cercle qui passe par toutes les étoiles pour lesquelles le déplacement dû à l'aberration acquiert sa valeur maximum.
Autrement dit, toutes les étoiles qui nous envoient leur lumière dans une direction perpendiculaire à celle de notre propre mouvement, nous apparaissent les plus déviées dans le sens de ce mouvement, et écartées de leur position vraie d'un arc de 20",4.
Le grand cercle considéré, accomplissant dans le cours d'une année sa révolution complète autour du diamètre qui passe par les pôles de l'écliptique, il en résulte non-seulement que toutes les étoiles participent au phénomène de l'aberration, mais que pour chacune d'elles il acquiert deux fois par an sa valeur maximum.

Pour toutes les étoiles comprises dans le plan de l'écliptique, ce déplacement a lieu suivant un petit arc de grand cercle qui se confond avec une droite; pour les deux seules étoiles situées aux pôles mêmes de l'écliptique, ce déplacement s'effectue sur le contour d'un cercle: enfin, pour toutes les étoiles occupant des positions intermédiaires, l'aberration engendre des ellipses graduellement variées et qui présentent toutes les formes comprises dans la même espèce de courbe entre la ligne droite et le cercle.

A ces caractères remarquables, Bradley reconnut que la cause de l'aberration n'est pas dans les étoiles elles-mêmes, mais qu'il faut la chercher dans un principe unique, dans le principe lumineux qui nous met en relation avec les corps célestes, et dont la vitesse de propagation, déjà connue, ne peut être considérée comme infiniment grande par rapport à la vitesse de la terre entraînée dans l'espace par son mouvement de translation.

Les deux vitesses sont comme 10,200 est à 1; conséquemment, lorsqu'une lunette est dirigée vers une étoile située sur le cercle d'aberration maximum, elle est entraînée dans un sens perpendiculaire à la direction de son axe, par le mouvement de la Terre; et pendant le temps que la lumière emploie à franchir la distance du centre optique de l'objectif à son foyer, l'oculaire de l'instrument s'avance parallèlement au plan focal, de la dix-millième partie environ de cette distance; il en résulte pour l'observateur un déplacement relatif de l'image de l'étoile, qui semble avoir été laissée en arrière, tandis que l'étoile elle-même parait nécessairement déviée en sens inverse; la grandeur de ce déplacement, rapportée à la longueur focale de la lunette, est précisément la mesure de l'aberration.

Si l'on admet l'explication que je viens de rappeler, la grandeur absolue de l'aberration exprime le rapport entre la vitesse de la lumière dans la lunette, et celle de la lunette elle-même participant au mouvement de la Terre; et, en effet, le chiffre obtenu par cette méthode s'accorde, à un deux-centième près, avec celui que donne l'observation des satellites de Jupiter.
Ainsi envisagée, l'aberration donnerait la vitesse de la lumière, non dans le vide planétaire, mais dans l'ètendue qu'occupent les instruments; elle rendrait sensible la durée du parcours des rayons lumineux franchissant la longueur si restreinte de nos lunettes, les espaces célestes ne concourant que d'une manière indirecte au résultat final, pour offrir un point de mire placé à l'infini, et permettre le libre développement du
mouvement de translation de la terre.

Il ne m'appartient pas d'insister davantage sur ces glorieux travaux.
Je n'ai voulu, en les rappelant, que les considérer au point de vue physique, et faire ressortir les conditions naturelles et indépendantes du concours de l'homme, qui ont fait natlre, comme conséquence de la propagation successive de la lumière, des phénomènes sensibles et observables.
Tout le mérite consistait à les saisir, à les mesurer avec précision et à les rapporter à leur véritable cause.
Pour les physiciens, la tâche était plus étendue; ils avaient à imaginer et à réaliser, dans les espaces terrestres, un système d'expériences équivalant à celles que les astronomes ont trouvées toutes faites dans le ciel; aussi leur a-t-il fallu, avant de rien tenter, qu'ils fussent en possession du chiffre réel qu'ils cherchaient à contrôler.

Le premier physicien qui entreprit de mesurer la vitesse de propaga^ tion d'un agent impondérable à la surface de la terre est M. Wheatslone; et, bien que ses expériences aient porté sur l'électricité et non sur la lumière, il est assuré de voir son nom attachée la question résolue par l'emploi du miroir tournant.
Cet instrument est, en effet, une des plus heureuses inventions de M. Wheatstone, et l'on n'en connaît pas d'aussi puissant pour évaluer de petites fractions de temps.

En 1835, M. Wheatstone cherchait à déterminer la durée de l'étincelle électrique, la durée de son parcours dans l'air, et la durée de la transmission de l'électricité à travers le fil conducteur, ou, ce qui revient au même, le temps qui s'écoule entre les explosions de deux étincelles jaillissant en deux points éloignés d'un môme circuit.
Après avoir vainement fait tourner d'un axe les organes excitateurs des étincelles, dans l'espérance d'accroître leur largeur et d'altérer leurs directions et leurs positions respectives, il a songé à communiquer le mouvement de rotation à un simple miroir plan établi à une certaine distance des appareils excitateurs et fixes.
Le miroir, en tournant autour d'une ligne passant par sa surface réfléchissante, donnait, de ces appareils, une image virtuelle qui cessait bientôt d'être distincte, à cause de la rapidité de son mouvement angulaire double de celui du miroir.
Mais quand éclataient les étincelles, leur peu de durée fixait, dans le miroir, les images dont les apparences plus ou moins modifiées prenaient une signification facile à saisir.
Si, par exemple, un long circuit excitateur destiné à décharger la bouteille de Leydè était interrompu en trois points, dans son milieu et près de chaque extrémité; si, d'ailleurs, il était replié de manière à ce que les trois interruptions fussent placées sur une même droite parallèle à l'axe de rotation du miroir, au moment de la décharge, les trois étincelles vues directement apparaissaient en même temps et sans que rien pût faire soupçonner à l'observateur l'ordre dans lequel elles se succèdent réellement; mais, vues par réflexion dans le miroir tournant, le retard de l'étincelle moyenne et la simultanéité des étincelles extrêmes devenaient également manifestes, attendu que ces deux dernières se montraient encore sur une même verticale, tandis que l'étincelle moyenne, éclatant un peu plus tard, était déviée dans le sens de la rotation du miroir.

M. Wheatstone a déduit de ce genre d'expériences une valeur de la vitesse de l'électricité qui ne s'accorde pas, il est vrai, avec les résultats de mesures plus récentes.
Peut-être a-t-il été induit en erreur par des phénomènes accessoires qui compliquent le phénomène principal, mais qui sont indépendants du procédé optique qu'il a mis en usage.
Si donc son travail offre encore matière à discussion, il ne semble pas que les objections puissent porter sur la propriété précieuse que possède le miroir tournant de séparer, par le déplacement angulaire de certaines images, les instants très-rapproches qui correspondent aux apparitions de phénomènes instantanés.
C'est donc ajuste titre qu'à peine sorti des mains de l'inventeur, l'instrument de M. Wheatstone fut adopté par M. Arago, comme devant servir à juger par une épreuve décisive les deux théories qui se disputent l'explication des phénomènes lumineux.
Tous les physiciens ont lu et relu la note si intéressante dans laquelle le Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences a exposé et développé son magnifique projet, et j'imagine qu'en y réfléchissant profondément ils ont dû arriver comme moi à celle conviction, que l'expérience conçue par M. Arago se tenait sur la limite des choses possibles, et qu'avant de réussir, elle aurait à subir quelque modification profonde.

M. Arago se proposait d'opérer sur deux rayons partant simultanément de deux sources situées sur une même verticale, et tombant, l'un à travers l'air, l'autre à travers un liquide, sur un miroir tournant; la marche des deux rayons étant inégalement rapide à travers les milieux différents, le miroir tournant aurait eu pour fonction de rendre distincts les instants de leur arrivée à la surface réfléchissante.
Voici, au reste, en quels termes M. Arago a résumé lui-même ses idées :

Deux points rayonnants placés Tun près de l'autre et sur la mémo verticale brillent instantanément en face d'un miroir tournant.
Les rayons du point supérieur ne peuvent arriver à ce miroir qu'en traversant un tube
rempli d'eau; les rayons du second point atteignent la surface réfléchissante sans avoir rencontré dans leur course aucun autre milieu que l'air.
Pour fixer les idées, nous supposerons que le miroir, vu de la place que l'observateur occupe, tourne de droite à gauche.
Eh bien, si la théorie de l'émission est vraie, si la lumière est une matière, le point le plus élevé semblera à gauche du point inférieur; il paraitra à sa droite, au contraire, si la lumière résulte des vibrations d'un milieu éthéré.

Au lieu de deux seuls points rayonnants isolés, supposons qu'on présente instantanément au miroir une ligne lumineuse verticale.
L'image de la partie supérieure de cette ligne se formera par des rayons qui auront traversé l'eau; l'image de la partie inférieure résultera des rayons dont toute la course se sera opérée dans l'air.
Sur le miroir tournant, l'image de la ligne unique semblera brisée; elle se composera de deux lignes lumineuses verticales, de deux lignes qui ne seront pas sur le prolongement l'une de l'autre.

L'image rectiligne supérieure est-elle moins avancée que celle d'en bas? paraît-elle à sa gauche?

La lumière est un corps.

Le contraire a-t-il lieu? l'image supérieure se montre-t-elle à droite?

La lumière est une ondulation !

Réduite ainsi à sa plus simple expression, l'expérience de M. Arago est facile à concevoir; il semble qu'il n'y avait plus qu'à se mettre à l'œuvre; mais c'est en suivant la discussion des conditions matérielles auxquelles il faut satisfaire, que l'expérimentateur entrevoit des difficultés sérieuses.

Quelle vitesse de rotation faut-il communiquer au miroir?
Quelle étendue d'air et d'eau convient-il de disposer sur le trajet des rayons pour que la lumière soit retardée ou accélérée dans sa marche à travers le milieu réfringent au point de donner, par réflexion, des images distinctes ?
Quelle source de lumière présentera la vivacité et l'instantanéité requises?
Sur tous ces points, on trouve dans la note de M. Arago les indications les plus précises.

Eu supposant qu'une déviation d'une demi-minute fût observable dans une lunette, une colonne d'eau de 14 mètres de longueur n'eût exigé, pour la produire, que mille tours du miroir par seconde.
Mais, comme il fallait se ménager quelque latitude, comme des circonstances imprévues pouvaient dérouter les prévisions les plus réfléchies, M. Arago s'était réservé d'agrandir au besoin le phénomène par la multiplication des miroirs tournant alternativement en des sens différents, et destinés à se renvoyer successivement l'un h 1 autre les deux faisceaux dont la divergence eût augmenté à chaque réflexion, et proportionnellement au nombre des miroirs.
Il indiquait aussi, comme ressource précieuse, d'employer, au lieu d'eau, un milieu plus réfringent, le sulfure de carbone, qui n'est pas moins transparent.

En portant à quatre le nombre des miroirs, en ne cherchant que des déviations d'une demi-minute, et en laissant l'eau pour le sulfure de carbone, la longueur nécessaire du tube destiné à le contenir se réduisait finalement à 2m,2.

Il est évident que le nombre des miroirs et le nombre des tours, leur distance à la source, la différence des indices de réfraction des deux milieux traversés, et la grandeur de la déviation relative, sont autant de quantités assujetties à une dépendance mutuelle et faciles à enchaîner dans une même formule.
On peut, sur le papier, les faire varier d'une manière arbitraire en certaines limites, mais c'était au tâtonnement à désigner les valeurs les plus favorables à l'observation.

La pièce la plus importante et la plus nouvelle de cet appareil était la machine qui devait communiquer aux miroirs le mouvement de rotation.
La construction en fut confiée à M. Bréguet, dont le talent garantissait une réussite complète.
Après plusieurs années de travail, M. Bréguet se trouva en mesure de monter une machine composée de rouages à dents obliques, dont le dernier axe portait un miroir d'acier de 1 centimètre de diamètre; quand on appliquait sur le premier mobile une force motrice suffisamment grande, on voyait le miroir s'animer d'un mouvement de rotation très-rapide.
Il était facile d'en apprécier la vitesse et de la déduire des mouvements lents et directement observables des premiers mobiles, et de s'assurer que l'axe porteur du miroir exécutait réellement 1,500 tours par seconde.
Un jour M. Bréguet essaya de supprimer le miroir, et il vit que le dernier axe ainsi soulagé pouvait acquérir une vitesse de 6 à 8,000 tours par seconde.
On crut alors que la présence de l'air était l'obstacle qui empêchait le miroir de prendre une vitesse pareille, et l'on eut recours aux dispositions nécessaires pour faire marcher la machine dans le vide; mais, sous le récipient destiné à prévenir l'accès de l'air, la marche du miroir ne s'est pas accélérée comme on s'y attendait.
C'est que la résistance provient surtout de la masse à mouvoir et de son excentricité sur l'axe de rotation; or la masse, il faut l'accepter; quant à l'excentricité, il paraît que les soins les plus minutieux apportés par le constructeur n'ont pas suffi jusqu'ici à la rendre sensiblement nulle.

Je dois encore donner sur l'appareil de M. Arago un renseignement importantt, et indiquer comment on devait procéder à l'observation.

Quand on se borne à l'emploi d'un seul miroir agissant par ses deux surfaces, ce qui est le cas le plus simple et le plus abordable, le double faisceau est toujours réfléchi, mais il l'est dans une direction quelconque, absolument indéterminée, ainsi que la position dans laquelle la lumière, en arrivant, rencontre la surface réfléchissante.
Si, comme l'avait fait M. Wheatslone dans une autre circonstance, M. Arago avait cru devoir établir entre l'appareil excitateur de la lumière instantanée et l'appareil du miroir tournant, une dépendance qui ne permît aux éclats de se produire qu'au moment où le miroir occupe telle ou telle position plus ou moins bien déterminée, la direction du rayon réfléchi l'eût été également, etçle champ d'observation, ainsi restreint entre certaines limites, aurait permis à un seul observateur de viser toujours utilement dans une direction connue d'avance.
Mais, dans le projet de M. Arago, il n'était pas question d'établir une telle relation; l'illuminateur et le miroir tournant devaient conserver une indépendance complète, et laisser au hasard à décider de la direction des rayons réfléchis.
C'est pourquoi il fallait multiplier les observateurs, et répéter l'expérience plusieurs fois par seconde, et un très-grand nombre de fois, jusqu'à ce qu'une heureuse coïncidence dirigeât les faisceaux réfléchis dans le voisinage de l'axe d'une des nombreuses lunettes braquées autour du miroir tournant et visant toutes sur lui.
En employant plusieurs miroirs indépendants les uns des autres, bien des éclats se seraient produits en pure perle avant que la réflexion eût lieu réellement sur tous, et la chance favorable à l'un quelconque des observateurs diminuait avec une grande rapidité.
La disposition que j'ai adoptée a surtout pour but de lever toute incertitude sur la position des rayons réfléchis; mais, avant de la décrire, je dois encore parler de l'expérience de M. Fizeau, expérience par laquelle un physicien pût mesurer, pour la première fois, la vitesse de la lumière se propageant dans l'air entre deux stations choisies à la surface de la Terre.

L'appareil imaginé par M. Fizeau présente à considérer deux parties distinctes : un système de deux lunettes visant l'une sur l'autre à très-grande distance, et destinées à limiter la course des rayons lumineux et à les renvoyer exactement à leur point de départ ; puis un disque tournant partagé à sa circonférence, à la manière des roues dentées, en intervalles égaux, alternativement vides et pleins, et susceptible de prendre, par l'action d'un moteur, des vitesses variables à volonté.

Les deux lunettes A et B sont dirigées l'une vers l'autre, de manière que l'image de l'objectif de chacune d'elles se forme au foyer de l'autre.
La lumière provenant latéralement d'une source très-vive est dirigée dans l'axe du système par une glace sans tain inclinée à 45 degrés sur cet axe et placée entre l'oculaire et le foyer de la lunette A.
Tout ce qui tombe de lumière sur l'objectif de A, après avoir traversé en son foyer le lieu de l'imaga très-petite de l'objectif de l'autre lunette B, se dirige vers celui-ci en obéissant à la loi des foyers conjugués.
En vertu de la même loi, les rayons vont ensuite concourir au foyer de la seconde lunette B, en une image qui représente, sous de très-petites dimensions, l'objectif de la première; puis celte image tombant sur un miroir normal, le faisceau qui l'a formée se réfléchit sur lui-même, traverse successivement les deux objectifs, quelle que soit leur distance, et vient, en convergeant, repasser exactement au foyer de A, son point de départ.
On constate aisément leur retour : en mettant l'œil à l'oculaire, on aperçoit une image très-petite, un point lumineux semblable à une étoile.

Le temps que la lumière emploie à traverser deux fois l'appareil dans toute sa longueur dépend évidemment de la distance des deux lunettes; et quand on rend cette distance suffisamment grande, il devient sensible et mesurable par l'emploi du disque tournant.

La position h donner au disque est définie par la condition du parallélisme de son axe de rotation avec l'axe optique commun aux deux lunettes, et par la nécessité de faire passer les dents qu'il porte à sa circonférence par le point de rencontre des rayons qui se croisent au foyer de A avant et après leur excursion dans l'appareil.

Ces conditions étant satisfaites, le disque en tournant a pour effet d'opposer et de lever périodiquement un môme obstacle au passage des rayons marchant en sens inverses, les uns pour aller, les autres pour revenir.
Comme la vitesse de la lumière n'est pas infinie, comme la distance à parcourir est très-grande, les instants précis du départ et du retour d'un même rayon ne coïncident pas exactement; ils sont sensiblement postérieurs l'un à l'autre, et il est possible de donner au disque une vitesse telle, que tout rayon qui passe librement entre deux dents soit intercepté à son retour par une dent qui aura eu le temps de venir lui faire obstacle.
Il est également possible de donner au disque telle autre vitesse qui permettra à tout rayon admis entre deux dents de repasser par un autre intervalle.
Mais, comme les changements de vitesse ont lieu d'une manière continue, les phénomènes aussi varient peu à peu, et traversent graduellement leurs différentes phases.
Au moment où le disque commence à se mouvoir, l'observateur aperçoit au foyer de l'oculaire le point lumineux brillant au point de concours des rayons réfléchis qui reviennent vers lui; pais en prenant un mouvement de plus en plus rapide, le disque détermine un affaiblissement progressif et même une extinction complète des rayons de retour.
Par des vitesses toujours croissantes, à cette première éclipse succède un second éclat, puis une seconde éclipse, et ainsi de suite, autant de fois que le permet la puissance des moyens mécaniques dont on dispose.
L'observation consiste à produire, à soutenir et à mesurer, au moyen d'un compteur inhérent à la machine, la vitesse de rotation correspondante à une éclipse dont on note le numéro d'ordre.
La distance des deux lunettes, étant connue, donne la moitié de l'espace franchi par la lumière pendant le temps que le disque emploie à parcourir un espace angulaire mesuré pour la première éclipse, par l'arc sous-tendu par une seule dent, et mesuré pour les éclipses suivantes, par le même arc multiplié par le terme de la série naturelle des nombres impairs, correspondant au numéro d'ordre de l'éclipsé observée.

M. Fizeau avait placé la lunette à oculaire dans le belvédère d'une maison située à Suresne, et la lunette à réflexion sur la hauteur de Montmartre, à une distance approximative de 8,633 mètres.
Le disque, portant sept cent vingt dents, était monté sur un rouage mû par des poids ; un compteur permettait d'apprécier la vitesse de rotation.
La lumière était empruntée à une lampe à éther, dont la flamme, alimentée par l'oxygène, était projetée sur un fragment de chaux, de manière à y exciter une vive incandescence.

Les premiers essais tentés jusqu'à présent par cette méthode ont fourni une valeur de la vitesse de la lumière, peu différente de celle qui est admise par les astronomes.
La moyenne, déduite de vingt-huit observations, donne, pour cette valeur, 70948 lieues de 25 au degré.

Le travail de M. Fizeau date déjà de plus de trois années; il a paru sous forme d'extrait au mois de juillet 1849, dans les Comptes rendus de r Académie des sciences.
Depuis cette époque jusqu'au moment où j'ai annoncé le succès de mon entreprise (30 avril 1850), on n'a rien publié, que je sache, concernant le même sujet.
Si le résumé que je viens de tracer n'est pas encore complet, j'ai du moins cette confiance que les faits y sont appréciés d'une manière équitable.
En rappelant parmi les astronomes les noms illustres de Roëmer et de Bradley, en citant parmi les physiciens contemporains des noms tels que ceux de MM.
Wheatstone, Arago et Fizeau, auxquels est venu se joindre tout naturellement celui de l'habile mécanicien M. Breguet, je crois avoir décrit l'état où se trouvait ce rameau de la science physique au moment où j'ai commencé h m'en occuper activement, et à mettre à exécution un projet conçu depuis plusieurs années, dans le but de mesurer directement la vitesse de la lumière dans l'air et dans des milieux plus réfringents.

MÉTHODE GENERALE POUR MESURER LA VITESSE DE LA LUMIÈRE DANS LES MILIEUX TRANSPARENTS.
— VITESSES RELATIVES DE LA LUMIÈRE DANS L'AIR ET DANS L'EAU.

Le propre de la nouvelle méthode qui me reste à décrire est d'offrir le moyen d'opérer à petite distance, et d'évaluer le temps qu'emploie la lumière à franchir un intervalle de quelques mètres.
Pour la définir nettement, aussi bien que pour la distinguer de celles qui ont été proposées auparavant, il suffit d'énoncer son caractère essentiel, lequel consiste dans
l'observation de l'image fixe d'une image mobile.

Le miroir tournant, associé à un objectif de lunette, donne aisément une image mobile d'un objet fixe ; mais, ce qui n'est pas moins vrai, quoique moins évident peut-être, c'est qu'au moyen d'une réflexion sur un miroir fixe, le même système optique est très-propre à redonner une image fixe de l'image mobile.

Je vais d'abord établir ce premier point, après quoi je montrerai que le mouvement de rotation du miroir produit un déplacement de l'image fixe, une déviation qui donne la vitesse de la lumière dans le milieu traversé en fonction des quantités faciles à mesurer.

Le changement de milieu, toutes choses restant égales d'ailleurs, de modifier la déviation, de manière à montrer comment la vitesse de la lumière se lie aux indices de réfraction.
J'insisterai sur ce genre de comparaison, qui est le but principal de ce travail, et je ferai connaître la disposi lion qui permet d'opérer sur plusieurs milieux à la fois, et d'observer simultanément et comparativement les déviations correspondantes.
Je compléterai ensuite la description des appareils, et j'y joindrai le détail des précautions nécessaires pour assurer le succès de l'expérience et favoriser l'exactitude des mesures.

Disposition générale de l'expérience.

On place sur une même ligne horizontale : 1゚ une mire formée par un fil fin de platine tendu au milieu d'une petite ouverture carrée de 2 millimètres de côté, taillée dans une lame opaque ; 2゚ le centre optique d'un objectif achromatique; et 3゚ le centre de figure d'un miroir plan, susceptible de tourner autour d'un axe vertical passant très-près de sa surface réfléchissante.
On dirige et Ion fixe par un héliostat un faisceau de lumière solaire dans l'alignement de ces trois pièces.
La mire laisse alors passer une certaine portion de lumière qui se rend sur l'objectif placé à une distance un peu moindre que le double de sa distance focale principale ; réfractée par cet objectif, la lumière se réfléchit sur le miroir plan et va former dans l'espace une image amplifiée de l'ouverture et de son fil.
Comme on dispose à volonté de la distance de l'objectif à la mire, on fait varier par suite arbitrairement la distance de son image au miroir, et, quand celui-ci vient à tourner, l'image se meut dans l'espace sur une circonférence dont le rayon peut prendre telle étendue qu'on voudra.

Ainsi s'obtient l'image mobile dont on peut recevoir et distinguer la trace sur un écran.
Pour obtenir l'image fixe, il faut placer sur la circonférence décrite par l'image mobile la surface réfléchissante d'un miroir sphérique, concave, tellement orienté, que son centre de courbure vienne coïncider avec le centre de figure du miroir tournant; quand cette condition est remplie, le faisceau tournant est réfléchi sur lui-même pendant tout le temps qu'il rencontre le miroir concave dont tous les éléments sont normaux à son axe; et, de plus, le faisceau continue à remonter l'appareil jusqu'à la mire, son point de départ, qu'il recouvre d'une image droite et de grandeur naturelle, tous les points de l'image se superposant aux points homologues de la mire elle-même.

En effet, soient ab (fig. 1 Pl. II), un objet, et a'6' son image, formée par l'objectif L et tombant à la surface réfléchissante d'un miroir concave M; soit c le point de l'espace où l'on placera plus tard le centre de figure d'un miroir tournant; si le miroir concave a son centre de courbure au point c, le faisceau réfléchi à sa surface ira repasser en majeure partie par l'objectif pour reformer sur l'objet ab une image droite et de grandeur naturelle; car, du moment où la lumière retourne vers l'objectif, l'image a'b' devient un objet dont le point a' est au foyer conjugué de a, et le point b' au foyer conjugué de b.
Donc, toute lumière revenant de a' et passant par l'objectif, doit se rendre en a; toute lumière revenant de b' doit se rendre en b, et ainsi de même pour tous les autres points : donc, l'objet ab est recouvert d'une image égale à lui-même et semblablement située.

Maintenant on place le miroir plan m sous une obliquité quelconque ; et pour savoir où va se former l'image réfléchie a"b", on a recours à une construction bien connue : on prolonge la trace cu du plan dp miroir et l'on détermine, pour les points a"b", les positions symétriques d'un côté de ce plan avec celles qu'occupent, de l'autre côté, les points a'b' ; on place alors le miroir concave en M' et on l'oriente en faisant tomber son centre de courbure au point c ; le faisceau lumineux retourne alors au miroir plan, de là vers l'objectif, comme s'il provenait de a'b', et il va former définitivement une image de l'objet ab sur l'objet lui-même.

Cette construction donne le même résultat, pour toute obliquité du miroir plan, car la démonstration est indépendante de la valeur de l'angle d'incidence; donc il est indifférent que l'image mobile tombe en a"b" ou en a'"b'" et quelle que soit sa position à la surface du miroir M', l'image, en retour, coïncide invariablement avec l'objet ab.
Pour constater, par expérience, l'invariabilité de position de cette image, on place obliquement à l'axe de l'objectif L, entre lui et l'objet ab, une glace épaisse à faces parallèles dont la surface g donne, par voie de réflexion partielle, une image aê facile a observer.
Examinée avec un oculaire O, l'image αβ garde absolument la même position, quelle que soit la direction de la partie mobile du faisceau comprise entre les deux miroirs plan et concave; elle est donc bien réellement l'image fixe d'une image mobile.

Dans l'appareil qui a servi, l'objet ab est la mire (fig. 5) telle qu'elle a été décrite; l'objectif L a 1m,90 de foyer, et l'oculaire à micromètre (fig. 10) grossit de dix à vingt fois; le miroir tournant a 14 millimètres de diamètre, et le rayon de courbure du miroir concave est de 4 mètres.
La distance du miroir tournant à l'objet peut varier dans des limites très-étendues, et la position de l'objectif est donnée par la nécessité de placer l'objet et la surface du miroir concave à deux de ses foyers conjugués.

Mettons actuellement le miroir en marche et faisons-le tourner d'abord lentement d'une manière continue, dans le sens indiqué parla flèche (fig.1).

L'angle d'incidence variant progressivement et l'angle de réflexion devant rester toujours égal à celui-ci, le faisceau réfléchi tourne autour du point c, comme le miroir, mais avec une vitesse angulaire double; l'image circule sur sa circonférence de cercle, et, à chaque tour du miroir plan, elle passe une fois sur le miroir concave en faisant naitre, pour l'observateur, l'image αβ, qui reste éteinte pendant tout le temps compris entre deux passages consécutifs.
Aussi, quand le nombre des tours du miroir est inférieur à 30 par seconde, l'image ne brille-t-elle que par intermittences; pour des vitesses supérieures, les apparitions se succèdent assez rapidement pour se confondre les unes avec les autres par la persistance des impressions visuelles; l'image αβ semble alors permanente, et son intensité est réduite, pour l'observateur, dans le rapport de la circonférence entière à la moitié de l'arc réfléchissant du miroir concave.

Mais quand le miroir tourne suffisamment vite, un autre effet se produit, et l'on voit apparaître le phénomène important de la déviation.
L'image aβ se déplace sous le trait du micromètre oculaire et dans un sens tel, qu'on la dirait entraînée par le mouvement du miroir.
Ce déplacement montre que la durée de la propagation de la lumière entre les deux miroirs n'est pas nulle, et qu'elle peut être mesurée par la grandeur de la déviation elle-même.

Pour simplifier la démonstration, réduisons la source de lumière à un point unique a (fig. 2), ne considérons que le rayon central ac du faisceau qui s'engage dans l'appareil, et étudions sa marche au moment où le miroir tournant se présente sous l'incidence voulue pour l'envoyer faire image en un point a' sur un élément normal quelconque de la surface du miroir concave M. Réfléchi sur lui-même, ce rayon vient retrouver le miroir plan, mais déjà celui-ci a tourné, et le rayon, en s'y réfléchissant une seconde fois sous une incidence nouvelle, prend une direction nouvelle aussi, qui ne lui permet plus de former image à son point de départ, mais qui l'oblige à donner en a4 une image déviée dans le sens du mouvement de rotation, et, par suite, une image α' également déviée pour l'observateur.

Il est facile de voir comment la grandeur de cette déviation est liée à la vitesse de la lumière, au nombre de tours du miroir dans l'unité de temps et aux distances qui séparent les différentes pièces de l'appareil.

Désignons par r la distance oa du centre optique de l'objectif à la mire, par l et l' les distances du miroir tournant au miroir fixe et au même centre optique o; nommons n le nombre de tours du miroir par seconde, π: le rapport de la circonférence au diamètre, et V la vitesse de la lumière ou l'espace qu'elle parcourt en une seconde, d l'are de déviation aa, égal à αα', et prenons ω pour désigner l'angle dont le miroir a tourné pendant le temps qu'emploie la lumière pour aller et venir entre les deux miroirs.

Afin d'avoir l'angle de déviation δ exactement double de l'angle ω, je commencerai par négliger la distance l', c'est-à-dire par supposer l'objectif placé à une distance insensible du miroir tournant.
Dans cette hypothèse, si l'on imprime au miroir une vitesse de n tours par seconde, la dévialion cl que l'on observe fera connaître l'angle ω=δ/2, dont tourne le miroir pendant que la lumière franchit la distance 2l.
Le rapport de l'angle ω à n fois quatre angles droits, ou le rapport de la déviation d à 2n fois la circonférence entière 2πr est alors égal au rapport de la distance 2l à celle que franchit la lumière en une seconde, ou égal à 2l/V ce qui donne

------------formule mathématique----------

Mais, en réalité, l'objectif ne se confond jamais avec le miroir tournant, et même l'expérience exige qu'on établisse entre eux une distance telle, que la déviation en est notablement diminuée.
La correction qu'il faut faire subir à la valeur ci-dessus ressort clairement de la construction représentée dans la fig 2.

On prolonge les traces cμ,cμ' du plan du miroir tournant dans les deux positions qu'il occupe aux instants précis qui limitent la durée d'une excursion de la lumière vers le miroir concave, et l'on construit, relativement à ces traces, les points a" et a'" symétriques du point a'.
L'angle a"ca'" est bien alors égal à 2ω, et serait égal aussi à l'angle de déviation, si l'objectif avait son centre appliqué en c ; mais comme, en réalité, cette condition ne peut être remplie, et comme l'objectif est toujours placé à une certaine distance l' du miroir, l'angle de déviation égal à l'angle opposé a"oa'" est moindre que a"ca'" égal à 2ω.
Ces angles étant très-petits et aux sommets de deux triangles qui ont même base a"a'", donnent sensiblement , avec leurs hauteurs l et l+l' la proportion

------------formule mathématique----------

d'où il suit qu'au lieu d'avoir simplement

------------formule mathématique----------

En conséquence, il vient pour la véritable valeur de la déviation.

------------formule mathématique----------

et, pour la vitesse de la lumière,

------------formule mathématique----------

Cette formule peut servir en effet à calculer la vitesse de la lumière dans l'air avec une approximation qui dépend de la précision avec laquelle on mesure la déviation, ainsi que les diverses quantités représentées par les lettres l, l', r et n.

On arrive à la même expression en raisonnant de cette autre manière: la vitesse de la lumière est l'espace qu'elle parcourt dans l'unité de temps

------------formule mathématique----------

or

------------formule mathématique----------

remplaçante et l par leurs valeurs, on trouve, comme précédemment,

------------formule mathématique----------

La même méthode s'applique à la mesure de la vitesse de la lumière dans tout milieu homogène et transparent que l'on placerait entre le miroir tournant et le miroir concave. Le milieu seul venant à changer sur toute la longueur de ce trajet, la déviation varierait dans le simple rapport des vitesses de la lumière dans le nouveau et dans l'ancien milieu.
Si, par exemple, on remplit d'eau l'espace compris entre les deux miroirs, sans rien changer du reste, l'indice de réfraction de l'eau étant sensiblement égal à 4/3, la déviation doit augmenter dans le rapport de 3 à 4, pour confirmer la théorie des ondulations, ou diminuer dans le rapport de 4 à 3 pour justifier le système de l'émission.

Mais quand on interpose une colonne d'eau comprise entre deux plans parallèles, on est obligé de laisser entre ces deux plans et chacun des miroirs une certaine distance ; alors la distance l se trouve partagée en deux parties, l'une P occupée par le milieu réfringent, et l'autre Q où l'air persiste.
En pareil cas, la déviation observée donne seulement la vitesse moyenne U de la lumière dans un espace occupé en partie par l'aîr et en partie par l'eau.
Mais comme la vitesse V dans l'air est déjà connue, comme la vitesse moyenne U s'obtient de la même manière, comme on peut mesurer directement les longueurs P et Q, dont la somme est égale à l, on obtient facilement la vitesse V' de la lumière dans l'eau.
En effet, la vitesse moyenne de la lumière dans le trajet P + Q est

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d'où l'on tire

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Au reste, pour trancher la question, qui intéresse à un si haut point la théorie, il n'est pas nécessaire de mesurer la vitesse de la lumière dans l'eau, ni de se préoccuper des moyens d'y parvenir; il suffit de constater dans quel sens la déviation qui se produit en opérant uniquement dans l'air, se modifie quand on interpose une colonne d'eau assez longue pour produire un effet sensible; mieux vaut encore disposer dans l'appareil deux lignes d'expériences, l'une pour l'air seul, l'autre pour l'air et l'eau, et observer simultanément les deux déviations correspondantes.
La comparaison en devient alors tellement facile, qu'il est inutile de procéder à aucune mesure : on dispose les choses comme elles sont représentées dans la fig 3.

J'éviterai encore de compliquer le tracé géométrique de l'expérience, en réduisant, comme précédemment, le faisceau de lumière à son rayon central; il est bien entendu que son point de départ, marqué en a, est toujours la mire (fig. 5) formée par une ouverture carrée, traversée en son milieu par un fil vertical, et dont l'image vue à l'oculaire offre l'aspect représenté fig 6.

A droite et à gauche du faisceau direct, et sur la trajectoire de l'image mobile, on place deux miroirs concaves M et M', dont les surfaces appartiennent à la même sphère ayant son centre en c.
Chacun d'eux limite une distance, une ligne d'expérience qui s'étend de sa surface à celle du miroir tournant.

Le rayon mobile trouve alors à se réfléchir à chaque tour dans deux directions différentes, et quand il tombe sur M, et quand il tombe sur M'; par suite, le nombre des apparitions de l'image α se trouve doublé; autrement dit, cette image est en réalité produite par la superposition des impressions de deux images, Tune due au passage de la lumière suivant la ligne cM, l'autre due à son passage suivant cM'.
Tant que les longueurs cM et cM' sont maintenues égales, tant que les milieux, traversés de part et d'autre, restent identiques, l'accélération du mouvement de rotation, produisant sur les deux images une même déviation, ne saurait les rendre distinctes l'une de l'autre.
Mais l'interposition d'un milieu réfringent sur l'une des deux directions cM ou cM', altérant la symétrie parfaite du système, doit, en modifiant la vitesse de la lumière dans l'une des deux voies, produire le dédoublement α'α" de l'image α.
C'est, en effet, ce qui arrive lorsque, au devant du miroir M' on place le tuyau T rempli d'eau et terminé, à ses deux extrémités, par des glaces parallèles.
Seulement, pour assurer le succès de l'expérience et en rendre le résultat plus apparent et plus rigoureux, il est nécessaire de prendre encore certaines précautions.

L'interposition du tube à eau apporte dans la marche des rayons un trouble dont il est facile de se rendre compte en considérant que la face d'entrée T agit sur le faisceau convergent, de manière à rapprocher de la normale tous les rayons, et à produire un allongement de foyer.
Si, en l'absence du tube, l'image mobile vient tomber exactement sur la surface réfléchissante M', le tube étant remis en place, on observe que l'image parait trouble à l'oculaire parce qu'elle tend à se former au delà du miroir concave.

Pour rétablir le degré de convergence nécessaire à la netteté de l'image en M', on place en avant du tube une lentille simple V d'une très-grande longueur focale, facile à déterminer par le tâtonnement ou par le calcul.
Cela fait, l'image en retour présente la même netteté, soit qu'elle revienne par l'un ou l'autre chemin ; elle ne varie plus que par la couleur et l'intensité : blanche et vive, quand la lumière a constamment cheminé dans l'air, elle devient verte et sombre par l'interposition de la colonne d'eau, et si l'on n'avait recours à un artifice particulier, cette différence d'éclat ne permettrait pas de voir le dédoublement qui doit survenir avec la déviation.

Appelant image dans Vair la superposition des impressions produites par les réapparitions rapides de l'image formée après le parcours complet de la lumière dans l'air, et appelant image dans l'eau la superposition des impressions delà lumière dirigée dans l'autre voie, je vais montrer comment on les rend distinctes l'une de l'autre dans toutes les phases de l'expérience.

Faisons tourner le miroir à raison de plus de trente tours par seconde, afin d'avoir, en mettant l'œil à l'oculaire, une impression continue.
Si l'on masque le miroir M', on ne voit que l'image dans l'air; si, au contraire, l'on transporte l'obstacle au devant du miroir M, on ne voit que l'image dans l'eau, et pour que Tune ou l'autre soit entièrement visible (fig. 6), il faut que le miroir concave, soit le miroir M' (fig. 4), reste découvert dans toute la hauteur de la trace h de l'image mobile à sa surface.
Veut-on réduire la hauteur de l'image perçue, on n'a qu'à placer comme en M (fig. 4), au devant du miroir concave, un écran percé d'une fente dont la hauteur soit moindre que celle de la trace h; nécessairement l'image perçue se réduit d'autant, et prend l'aspect représenté figure 7.

Couvrons donc le miroir M de son écran fendu, dégageons complètement le miroir M' faisons tourner le miroir mobile assez vite pour confondre les impressions sans donner encore de déviation sensible ; il est évident que l'image perçue sera formée de la superposition de l'image dans l'eau conservant toute sa hauteur, son intensité, et sa couleur propre, et de l'image dans l'air, plus vive et plus basse, traversées toutes deux par le même trait vertical et rectiligne : α sera une image résultante, telle que celle représentée figure 8.

Pour compléter l'appareil, il ne reste plus qu'à placer au foyer de l'oculaire un verre plan marqué d'un trait vertical qui, pour une rotation lente ou môme nulle du miroir tournant, se confonde avec le trait médian, image du fil de la mire.
Alors on peut lancer le miroir à toute vitesse, et à mesure que sa rotation s'accélère, on voit l'image se transporter en masse et se disloquer, ainsi que dans la figure 9; le trait fixe appartenant à l'oculaire, reste là comme point de repère très-propre à faire juger des grandeurs absolues et relatives des deux déviations.

En fait, la déviation de l'image médiane est toujours moindre que celle des portions visibles de l'image verte, qui la dépasse en haut et en bas.
Si, par exemple, on adopte pour l'expérience les données suivantes :

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on a pour l'image blanche une déviation de 0mm,375, et pour l'image verte une déviation de 0mm,469; leur différence ne peut évidemment pas échapper à l'observation.

Mais l'image blanche, c'est l'image dans l'air, et sa déviation donne la mesure de la durée du séjour de la lumière entre les deux miroirs; l'image verte, c'est l'image dans l'eau, et sa déviation donne aussi la mesure du temps correspondant à une même distance parcourue.
Nous arrivons donc à cette conclusion définitive et à tout jamais inconciliable avec le système de l'émission ; La lumière se meut plus vile dans l'air que dans l'eau.

Description des appareils.. — Détails pratiques sur la mise en expérience.

Quand j'ai résolu d'aborder cette opération délicate, mon premier soin a été de me procurer un moteur spécial pour communiquer au miroir un mouvement de rotation rapide et persévérant.
M. Whealstone, l'inventeur du miroir tournant, employait une machine qui agissait comme une sorte de rouet au moyen d'un cordon embrassant les circonférences inégales d'une roue motrice et d'une petite poulie solidaire avec l'axe du miroir; il obtenait ainsi une vitesse de 6 à 800 tours par seconde.
M. Breguet, chargé par M. Arago de réaliser une vitesse plus grande encore, a construit la machine déjà citée qui a paru à l'Exposition des produits de l'industrie pour l'année 1844.
L'application de l'engrenage de White aux derniers mobiles, et l'extrême légèreté du miroir, permirent d'atteindre de 1000 à 1500 tours par seconde.
Au moment de choisir entre les deux systèmes, j'ai redouté les effets destructeurs de ces divers modes de communication de mouvement; j'ai craint de ne pas pouvoir modifier à volonté la vitesse suivant le besoin, et la maintenir constante pendant un temps suffisamment long.
J'aî pensé, au contraire, obtenir vitesse, solidité et régularité de marche en adoptant une petite machine qui utilise l'écoulement des gaz par les orifices étroits.

Cette machine consiste en une petite turbine à vapeur (fig. 11), assez comparable à la sirène, mais qui donne comparativement peu de son.
Le même axe, sur lequel est fixée la couronne des palettes exposées à l'action du fluide, porte aussi le miroir, ce qui réduit toute la partie mobile de l'appareil à une pièce unique sur laquelle ont dû se concentrer tous les soins du constructeur, sur laquelle doit porter également toute la surveillance de l'expérimentateur.
En jetant les yeux sur la figure, on saisit au premier coup d'œîl la disposition générale de la machine.

Au milieu se trouve une sorte de chambre qui communique avec le générateur de vapeur.
Cette chambre, représentée en détail figures 12 et 13, est échancrée de manière à permettre d'ôter et de remettre l'axe à sa place sans démonter les annexes qu'il porte; elle repose (fig. 11) sur deux colonnes réunies inférieurement par une traverse; une arcade la surmonte dans le but d'offrir avec la traverse inférieure les deux points d'appui qui déterminent la position de l'axe du mobile.
Cet axe est terminé en pointe à ses extrémités qui s'engagent dans des empreintes coniques, pratiquées au bout des vis d'acier maintenues par des contre-écrous, l'une au sommet de l'arcade, l'autre au milieu de la traverse; ces vis sont d'ailleurs traversées d'outre en outre par un canal étroit, creusé pour le passage de l'huile déposée dans les petits réservoirs qui les terminent en haut et en bas.

Le réservoir supérieur fonctionne de la manière la plus simple : un tube de caoutchouc lui communique, par l'intermédiaire de l'air contenu dans un flacon, la pression d'une colonne de mercure de 15 à 20 centimètres.
Sous l'influence de cette pression, l'huile pénètre dans le canal de la vis et vient suinter à l'extrémité supérieure de l'axe.
Le réservoir inférieur supporte aussi une égale pression; mais comme il s'agit de faire monter l'huile au-dessus de son niveau, la vis se prolonge par un tube plongeant qui pénètre jusqu'au fond d'un godet intérieur dont les parois n'étant pas rigoureusement en contact avec celles du réservoir, laissent la pression se transmettre librement par l'air à la surface de l'huile.
Par ce moyen, les deux extrémités de l'axe du mobile sont incessamment et abondamment lubrifiées.

Si maintenant on examine le mobile lui-même, on voit que son axe porte trois appendices différents: l'un situé au-dessus et les deux autres au-dessous de la chambre à vapeur.

Le premier seulement a la forme circulaire (fig. 14): c'est un disque analogue à celui de la sirène et percé d'une rangée de vingt-quatre trous situés à égales distances du centre; les cloisons qui les séparent sont planes, minces et inclinées de manière à recevoir le choc du fluide élastique et à fonctionner comme aubes de la turbine.
La vapeur s'échappe de la chambre placée au-dessous (fig. 13), par deux orifices pratiqués aux extrémités d'un même diamètre dans l'épaisseur de la paroi et percés obliquement en sens inverse de l'inclinaison des palettes du disque tournant.
Comme ce disque est placé très-près de la paroi sous-jacente, le fluide qui s'écoule des orifices fixes est obligé de changer de direction et produit une réaction qui sollicite successivement toutes les aubes à circuler dans le même sens, autour de leur centre commun.

Il eût été plus conforme à la théorie d'employer des aubes courbes; mais j'en ai été détourné par les difficultés qu'on aurait rencontrées pour les construire avec toute la régularité désirable; d'ailleurs il ne s'agit pas, en pareille circonstance, de réaliser un effet utile, mais bien d'obtenir une certaine vitesse.
Or, comme la force motrice est à discrétion, on arrive facilement, avec des aubes plates, à réaliser les vitesses que comportent la délicatesse des pivots et la résistance de la matière au développement excessif de la force centrifuge.
En laissant écouler la vapeur sous une pression d'une demi-atmosphère seulement, on fait prendre au mobile une vitesse de six à huit cents tours; le calcul et la manifestation de Certains phénomènes s'accordent à montrer qu'il ne serait pas prudent d'aller beaucoup au delà.
Quand on compare ce résultat à celui qu'a obtenu M. Bréguet, il semble que la turbine à vapeur reste en arrière de la machine à roues dentées; mais si l'on compare les dimensions des miroirs entraînés dans les deux cas, on trouve que l'avantage est encore à la nouvelle machine : pour l'observation, il vaut mieux faire huit cents tours avec un miroir de 14 millimètres, que douze cents tours avec un miroir de 10 millimètres de diamètre.

Dans sa partie inférieure (fig. 11), l'axe est interrompu par un anneau dans lequel on enchâsse un ou deux miroirs placés dos à dos; des viroles à vis les maintiennent en place, en exerçant une pression modérée; les miroirs sont en verre, taillés dans une même glace parallèle et argentés sur les faces qui ont appartenu au même côté de la glace.
L'étamage au mercure ne résiste pas à une rotation de plus de deux cents tours par seconde, même après s'être consolidé par le temps et après être demeuré deux ou trois années en repos.
La partie réfléchissante de l'amalgame qui reste toujours liquide, chassée par la force centrifuge, se réfugie vers les bords, s'écoule dans la monture, et l'on voit apparaître au milieu du miroir une bande mate, qui s'étend de proche en proche, et finit par envahir la surface tout entière : voilà pourquoi il a fallu recourir à l'étamage solide à l'argent tel qu'on commence à l'appliquer régulièrement dans le commerce.

Entre l'anneau récepteur des miroirs et la chambre à vapeur, l'axe reparaît dans une étendue suffisante pour recevoir un dernier annexe de forme triangulaire, et muni de trois vis susceptibles de se déplacer dans le sens vertical.
Cet organe est destiné à rétablir après coup, par la distribution de sa masse, la coïncidence de l'axe d'inertie du système tournant, avec son axe de figure.
En cela il joue un rôle très-important.
Quelque soin qu'on apporte dans la construction pour rendre le mobile parfaitement symétrique, l'hétérogénéité de la matière ne permet pas de faire passer d'emblée l'axe d'inertie par les pointes qui déterminent l'axe de rotation.
L'appareil vibre en tournant; il se produit un son dont l'intensité menace les pivots d'une prompte destruction.
L'adjonction du compensateur d'inertie permet de remédier à cet inconvénient redoutable.
Un coup de lime, appliqué méthodiquement sur un ou deux des trois sommets du triangle, ramène d'abord le centre de gravité du système sur l'axe de figure, qui déjà croise ainsi l'axe d'inertie.
Pour redresser ce dernier et le faire coïncider avec l'autre, il n'y a plus qu'à déplacer convenablement deux des vis du compensateur (1).

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(1) Voici comment on procède à ces deux rectifications : On retire le mobile et on le place horizontalement en le faisant reposer par ses extrémités sur deux glaces inclinées suivant un angle moindre que celui des deux génératrices des cônes terminaux.
Dans cette situation, le mobile tourne avec une extrême facilité; et si son centre de gravité n'est pas exactement sur la ligne des pointes, il oscille autour d'une position d'équilibre avec une vitesse qui donne la notion du sens et de la grandeur de la correction à faire ; on use alors à la lime ceux des sommets du compensateur qui, dans la position d'équilibre, se placent au-dessous du plan horizontal, mené par l'axe du corps : peu à peu on arrive à rendre l'équilibre indifférent, et dès lors les axes de figure et d'inertie se coupent au centre de gravité du système.

Il se peut néanmoins qu'ils fassent encore un certain angle entre eux : on en est averti par la persistance du son d'axe et des vibrations qui l'accompagnent lorsque, le mobile étant remis en place, on vient à faire fonctionner la machine.
Il faut alors procéder à une seconde rectification beaucoup plus délicate encore que la première; pour cela on s'en prend aux vis à régler, que je désignerai par les numéros d'ordre 1,2,3.
On surcharge d'abord la vis n°1 de quelques centigrammes de cire à l'une de ses extrémités, et l'on en fait autant sur le milieu du côté opposé au compensateur.
Le centre do gravité ne change pas de position; cependant, quand on met la machine en action, il peut arriver que les vibrations soient devenues moins ou plus intenses, ou bien qu'il ne soit survenu aucun changement appréciable.
Dans le premier cas, il faut agir sur la vis n" 4 dans le sens do la surcharge ou en sens opposé; dans le cas contraire, il faut la laisser en place et agir sur les vis 2 et 3.
On tète alors dans quel sens il faut les déplacer, en les surchargeant simultanément, en sens inverse, de petites masses égales, que l'on équilibre par deux masses semblables placées aux deux bouts de la vis n゚ 1 , et l'on agit peu à peu en les déplaçant dans le sens indiqué jusqu'à ce qu'on n'obtienne plus d'amélioration sensible; puis on revient h la vis n゚ 1, et ainsi de suite, de manière à atténuer, autant que possible, le son d'axe, par celte méthode d'approximations successives.
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Quelque soin que l'on prenne pour opérer cette rectification, on ne réussit jamais à annuler complètement les vibrations sonores qui se développent sur les pivots; car, lors même qu'on arriverait à distribuer la masse de manière à équilibrer le système ainsi qu'à annuler le couple résultant des forces centrifuges, les pivots n'étant pas rigoureusement de révolution, produiraient encore des chocs ou des pressions périodiques qui suffisent pour engendrer un son; mais on réussit au moins à placer la machine dans de telles conditions, qu'elle peut marcher des heures entières sans détérioration appréciable ; ce qui est le point essentiel, et constitue la solution pratique des difficultés qui s'opposaient à l'emploi régulier du miroir tournant.

Quant à la dureté qu'il faut communiquer aux extrémités de l'axe et des vis d'acier qui le maintiennent en place, pour ralentir l'usure aux points de contact, je m'en suis complètement remis aux soins et à l'expérience consommée de M. Froment, notre habile artiste français, qui m'a si puissamment secondé, et dont le nom rappelle déjà de si nombreux et si parfaits ouvrages.

A côté de la petite turbine représentée conformément à la description que je viens d'en donner, on voit, dans la figure 11, les deux flacons destinés à régler l'alimentation d'huile; remplis d'air, ils communiquent chacun avec l'un des réservoirs précédemment décrits.
Quand on veut développer la pression, on verse du mercure dans le tube vertical qui plonge au fond de chacun des flacons.
L'air se comprime et exerce une pression mesurée par la hauteur de colonne soutenue à l'intérieur du tube.
En vertu de la parfaite adaptation des cônes terminaux dans leurs creux respectifs, l'huile est gardée sous une pression de 15 à 20 centimètres et ne suinte que très-lentement quand la machine fonctionne.

Le générateur chargé de fournir un écoulement constant de fluide élastique est une simple chaudière semblable à celles qui, dans les cabinets de physique, sont annexées aux petits modèles de la machine de Watt.
Je ne m'arrêterai donc pas à la décrire.
Je dirai seulement que sa capacité est de 25 litres, qu'elle est pourvue d'un manomètre, d'une soupape, d'un tube jaugeur du niveau, et d'un ajutage à robinet pour régler la dépense de la vapeur et sa vitesse d'écoulement.
La tube de communication qui se rend à la turbine a dû être garni de plusieurs épaisseurs de lisières pour diminuer la perte de chaleur par rayonnement, et réduire autant que possible la condensation qui en résulte.

Malgré cette précaution, la vapeur arrivait au petit moteur tellement chargée de liquide, qu'il a fallu la surchauffer avec une forte lampe à esprit-de-vin avant son admission dans la turbine.
La pièce destinée à celte opération, ou le surchauffeur, est un tube en métal aplati, tel qu'on le voit dans la figure, et qui porte un robinet à trois fins pour la mise en train.
Dans sa position normale, ce robinet permet la libre communication de la chaudière h la turbine; mais en agissant sur la clef dans un sens ou dans l'autre, on suspend l'écoulement, ou l'on dirige la vapeur à l'extérieur, par un tube additionnel sans la laisser passer à travers la machine.
C'est ainsi qu'on rejette au dehors l'eau qui se condense au moment de la mise en train dans l'intérieur du tube de communication.
Dès que l'eau cesse d'être entraînée en quantité notable, on remet le robinet à trois fins dans sa position normale; aussitôt la vapeur se dirige à travers le surchauffeur et va agir sur la turbine comme un gaz véritable.
Quand l'écoulement est ainsi établi, on en règle la vitesse au moyen du robinet ordinaire qui tient à la chaudière et qui s'ajuste au tube de communication.
Afin d'agir sur la clef de ce robinet, du lieu même où l'on observe, on se sert d'un cordon enroulé sur un petit treuil placé à la portée de la main.

Il va sans dire que, pour conserver la netteté des images, le miroir tournant doit être abrité par des écrans convenablement disposés, contre les rejaillissements de la vapeur et de l'huile, et contre l'interposition des courants d'air échauffés.

Il importe également de conserver à la colonne d'eau qui fait partie de l'appareil, toute sa transparence et son homogénéité.
Placée dans un tube de zinc entre des glaces parallèles, cette eau se présente aux rayons qui vont et viennent, sous une épaisseur de 3 mètres ; c'est en réalité comme si l'on opérait sur une épaisseur double.
Or, il est évident que pour une épaisseur de 6 mètres, la coloration la plus faible ajoutée à celle du milieu, ou la suspension des particules les plus rares, produirait bientôt une extinction complète des rayons qui s'y propagent, de môme que les plus petites variations de densité troubleraient leur marche, au point de compromettre les observations.
J'ai reconnu que l'eau commune qui a passé par le filtre des fontaines ordinaires présente toute la limpidité désirable, et même une transparence bien supérieure à celle de l'eau distillée, dans laquelle flottent toujours des matières organiques qui se reproduisent sans cesse; mais pour que cette eau restât claire, pour éviter qu'elle se chargeât de flocons d'oxyde de zinc, il a fallu recouvrir le métal d'une forte couche de vernis.
Puis, en ayant soin de ne pas remplir le tube, on se réserve la facilité de rétablir, par l'agitation, l'homogénéité du milieu, malgré les variations inévitables de la température ambiante.
Enfin il peut arriver que, malgré toutes ces précautions, l'image à l'oculaire soit encore trouble et difforme; c'est qu'alors les glaces qui terminent la colonne d'eau sont forcées dans leurs montures; il faut en pareil cas leur donner du jeu dans les sertissures et recourir simplement à la cire pour prévenir l'écoulement du liquide sans exercer de pressions inégales.

Jusqu'ici, rien ne laisse supposer que je me sois préoccupé des moyens de mesurer la vitesse de rotation du miroir; c'est qu'en effet, tant qu'il ne s'agit que d'apprécier les vitesses relatives de la lumière dans l'air et dans l'eau, la détermination du mouvement angulaire du miroir n'offre qu'un
intérêt secondaire.
Cependant, ne fût-ce que pour connaître la puissance du moteur que j'avais adopté, j'ai mis à profit le son que donne l'axe en tournant avec rapidité, pour le comparer à celui d'un diapason étalonné, et pour déduire approximativement de l'intervalle musical de ces deux sons, le nombre de tours du mobile sur lui-môme ; j'ai ainsi reconnu que la petite turbine à vapeur acquiert facilement, par une pression de 1/2 atmosphère, une vitesse de six à huit cents tours par seconde.
Mais déjà, par une vitesse de cinq cent douze tours, qui donne l'unisson de l'ut^, la question est jugée; la déviation a lieu simultanément pour les deux images, et la déviation de l'image dans l'eau est manifestement plus grande que celle de l'image dans l'air.
De plus, en tenant compte des longueurs d'air et d'eau traversées, les déviations se montrent sensiblement proportionnelles aux indices de réfraction.

Résumé. — Conclusion.

Depuis nombre d'années, deux systèmes rivaux prétendent à l'explication des phénomènes lumineux.
Parmi ces phénomènes, l'un des plus simples et des plus apparents, la réfraction, résulte de deux actions opposées de la part des corps, suivant qu'on cherche à l'interpréter dans l'une ou dans l'autre théorie.
D'après le système de l'émission, le changement de direction de la lumière serait dû à une accélération subie à son entrée dans les milieux réfringents.
Dans le système des ondulations, ce même changement de direction devrait coïncider avec un ralentissement dans la vitesse de propagation du principe lumineux.

Frappé de cet antagonisme entrc les deux systèmes, M. Arago déclare, en 1838, que l'un des deux succombera le jour où l'on constatera, par une expérience directe, dans quel sens se modifie la vitesse, lorsque la lumière pénètre d'un milieu rare dans un milieu plus dense, lorsqu'elle passe de l'air dans l'eau ou dans tout autre liquide; en môme temps il annonce que le miroir tournant, récemment inventé par M. Wheatstone, servira àréaliser une pareille entreprise.

Douze années s'écoulent sans qu'on puisse saisir au retour le rayon fugitif réfléchi par le miroir tournant.
C'est alors qu'en lui associant un miroir concave, je reconnais que le miroir tournant peu^ donner à l'observateur l'image fixe d'une image mobile; image fixe pour une rotation uniforme, maïs qui se dévie en raison directe de la vitesse angulaire du miroir et de la durée du double parcours de la lumière entre deux stations très-rapprochées.
Un calcul très-simple montre que l'on obtient ainsi un signe sensible et mesurable de la durée de la propagation du principe lumineux entre deux points distants d'un petit nombre de mètres.
Dès lors il devient possible d'interposer aussi bien ou de l'air ou de l'eau, et de juger des vitesses relatives par les déviations correspondantes.
Un artifice expérimental permet, en outre, d'obtenir simultanément les deux déviations, de les superposer dans le champ d'un même instrument, et d'en opérer la comparaison directe sans les rapporter à une unité commune, sans qu'il soit besoin de prendre aucune mesure.

Que l'on modifie la vitesse du miroir ou la distance des stations ou celle des différentes pièces de l'appareil, les déviations changent de grandeur sans doute; mais toujours celle qui correspond au trajet dans l'eau se montre plus grande que l'autre, toujours la lumière se trouve retardée dans son passage à travers le milieu le plus réfringent.

La conclusion dernière de ce travail consiste donc à déclarer le système de l'émission incompatible avec la réalité des faits.

 

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================= p216-218 ====================
4.Voir Comptes Rendus de l'Ac. des Sc, t.LV, p501-503, 1862.
(Académie des Sciences, 22 septembre 1862.)

Détermination expérimental de la vitesse de la lumière; parallaxe du Soleil

Dans la séance du 6 mai 1850, j'ai donné le résultat d'une expérience differentielle sur la vitesse de la lumière dans deux milieux d'inégales densités, et j'ai indiqué que, plus tard, le même procédé, fondé sur l'emploi du miroir tournant, servirait à mesurer la vitesse absolue de la lumière dans l'espace.

Ce projet murement discuté, le Directeur de l'observatoire voulut hàter l'exécution et mit à ma disposition les ressources nécessaires.
Au commencement de l'élé, l'appareil se trouvait en état de fonctionner, mais la mauvaise saison ne m'a pas permis de me livrer aussi promptement que je l'aurais désiré à des observations qui exigeaient le concours de la lumière solaire.
Cependant le ciel a fini par se découvrir, et, profitant de ces derniers beaux jours, j'ai obtenu des résultats qui me semblent contenir, à peu de chose près, l'expression de la vérité.

L'appareil actuel ne diffère essentiellement de celui qui a été précédemment décrit que par l'adjonction d'un rouage chronométrique destiné à mouvoir un écran circulaire denté, pour la mesure exacte de la vitesse du miroir et par l'extension de la ligne d'expérience qui, au moyen de réflexions multiples, a été portée de 4 à 20 mètres.
Augmentant ainsi la longueur du trajet lumineux et apportant plus d'exactitude à la mesure du temps, j'ai obtenu des déterminations dont les variations extrêmes ne dépassent pas 1/100 et qui, combinées par voie de moyenne, donnent rapidement des séries qui s'accordent à 1/500 près.

En définitive la vitesse de la lumière se trouve notablement diminuée.
Suivant les données reçues, cette vitesse serait de 308 millions de mètres par seconde; et l'expérience nouvelle du miroir tournant donne, en nombre rond, 298 millions.

On peut, ce me semble, compter sur l'exactitude de nombre, en ce sens que les corrections qu'il pourra subir ne devront pas s'élever au-dessus de 500,000 mètres.

Si l'on accepte ce nouveau chiffre et qu'on le combine avec la constante de l'aberration : 20",45 pour en déduire la parallaxe du soleil qui est évidemment fonction de l'un et de l'autre, on trouve au lieu de 8",57, la valeur notablement plus forte 8",86.
Ainsi la distance moyenne de la terre au soleil se trouve diminuée environ de 1/30.

Pour donner une idée du degré de conflance qu'on peut accorder au système d'observation qui a été employé dans celte circonstance, je transcrirai ici une série de déterminations brutes, choisie parmi celles dont la moyenne s'accorde le mieux avec la moyenne générale.

----------- table numérique -----------

Ce nombre 1026,47 se rapporte à une longueur arbitraire qui intervient dans l'appareil et que l'on fait varier à chaque détermination de manière à obtenir un déplacement constant de l'image déviée par le miroir tournant.

Dans une prochaine communication je m'appliquerai à donner de l'appareil une description suffisante pour offrir une base à la discussion, et pour reconnaître le talent et les services des artistes éminents qui ont bien voulu m'assister.

 

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4. Voir Comptes Rendus de l'Acad. des Se, t.LV, p792-796,1862.
(Académie des Sciences, 24 novembre 1862.)

Détermination expérimentale de la vitesse lumière ; description des appareils

Malgré le peu d'espace et le manque de figures, j'essayerai de décrire, dans ses parties principal es, l'appareil qui vient de me servir à recueillir sur la vitesse de la lumière une valeur si différente de celle qu'on connaissait.

L'appareil se compose;

D'une mire microscopique, taillée à jour à la surface d'une lame de verre argenté;

D'un miroir tournant porté sur l'axe d'une petite turbine à air;

D'une soufflerie à pression constante;

D'un objectif achromatique;

D'une série impaire de miroirs sphériques concaves en verre argenté;

D'une glace à réflexion partielle;

D'un microscope à micromètre;

Et d'un écran circulaire en forme de roue dentée mis en mouvement par un rouage chronométrique.

Je décrirai d'abord l'appareil au repos.

Un faisceau de lumière solaire horizontalement réfléchi par un héliostat, vient tomber sur la mire micrométrique qui consiste en une série de traits verticaux distants les uns des autres de 1/10 de millimètre.
Cette ligne qui, dans l'expérience, est l'étalon de mesure, a été divisée avec beaucoup de soin par M. Froment.
Les rayons qui ont traversé ce plan d'origine se rendent sur le miroir rotatif à surface plane, où ils éprouvent une première réflexion qui les renvoie à 4 mètres de distance vers le premier miroir concave.
Entre ces deux miroirs, et le plus près possible du miroir plan, vient se placer l'objectif ayant d'un côté l'image virtuelle de la mire et de l'autre le miroir concave, à deux de ses foyers conjugués.
Ces conditions étant remplies, le faisceau de lumière après avoir traversé l'objectif va former une image de la mire à la surface de ce premier miroir concave.

De là le faisceau se réfléchit un peu obliquement afin d'éviter l'appareil du miroir rotatif, dont il va former l'image à une certaine distance dans l'espace.
Au lieu où cette image se produit, on place le second miroir concave orienté de telle sorte que le faisceau, encore une fois réfléchi, repasse auprès du premier miroir sphérique en formant une seconde image de la mire; celle-ci est reprise par une troisième surface concave, et ainsi de suite jusqu'à formation d'une dernière image de la mire à la surface d'un miroir concave d'ordre impair.
J'ai pu employer ainsi jusqu'à cinq miroirs qui développaient une ligne de 20 mètres de long.

Le dernier de ces miroirs, séparé de l'avant-dernier qui lui fait face par une distance de 4 mètres, égale à son rayon de courbure, renvoie le faisceau exactement sur lui-même; condition qu'on remplit sûrement en superposant à la surface du miroir opposé l'image d'allée avec l'image de retour; cela fait, on est certain que le faisceau retourne tout entier au miroir plan de l'appareil rotatif, et que finalement tous les rayons repassent par la mire, point par point, comme ils sont entrés.

On arrive à constater ce retour des rayons et à se procurer une image accessible, en détournant par réflexion partielle à la surface d'une glace inclinée à 45 une partie du faisceau qu'on examine avec un microscope faible.
Ce dernier, semblable en tout point aux microscopes micrométriques en usage dans les observations astronomiques, forme avec la mire et la glace inclinée un tout solidaire très-stable.

Dans l'appareil ainsi décrit, limage renvoyée vers le microscope et formée par les rayons de retour occupe une position définie par rapport h la glace et à la mire elle-même.
Cette position est précisément celle de l'image virtuelle de la mire vue par réflexion dans le plan de la glace.
C'est du moins ce qui a lieu tant que l'appareil reste au repos.
Mais quand le miroir plan vient à tourner, cette image change de place, attendu que pendant la durée du temps que la lumière emploie à parcourir deux fois la ligne des miroirs concaves, le miroir rotatif continue de tourner et que les rayons au retour ne se trouvent plus sous la même incidence qu'au moment de l'arrivée.
Il en résulte que l'image de retour est déplacée dans le sens du mouvement du miroir, et cette déviation augmente avec la vitesse de rotatiôn; elle augmente évidemment aussi avec la longueur du trajet et avec la distance qui la sépare du miroir tournant.
La manière dont ces diverses quantités interviennent dans l'expérience, ainsi que la vitesse de la lumière elle-même, s'exprime par une formule très-simple qui a été déjà établie et que je n'aurai qu'à rappeler ici.

Appelant V la vitesse de la lumière, n le nombre de tours du miroir, l la longueur da la ligne brisée comprise entre le miroir tournant et le dernier miroir concave, r la distance de la mire au miroir tournant et d la déviation, on trouve par la discussion de l'appareil.

--------------- formule mathématique -----------------

expression qui donne la vitesse de la lumière au moyen de quantités qu'il faut mesurer séparément.

Les distances l et r se mesurent directement à la règle ou par un ruban de papier qu'on reporte ensuite sur l'unité de longueur.
La déviation d s'observe micrométriquement, mais il reste à montrer comment on mesure le nombre n des tours du miroir par seconde.


Disons d'abord comment on imprime au miroir une vitesse constante.


Ce miroir en verre argenté, qui a 14 millimètres de diamètre, est monté directement sur l'axe d'une petite turbine à air d'un système connu, admirablement construite par M. Froment.
L'air est fourni par une soufflerie à haute pression de M. Cavaillé-Coll, qui s'est acquis une juste renommée dans la fabrication des grandes orgues.
Comme il importe que la pression soit d'une grande fixité, au sortir de la soufflerie l'air traverse un régulateur récemment imaginé par M. Cavaille et dans lequel la pression ne varie pas de 1/5 de millimètre sur 30 centimètres de colonne d'eau.
En s'écoulant parles orifices de la turbine, l'air représente donc une force motrice remarquablement constante.
D'un autre côté, le miroir en s'accélérant rencontre bientôt dans l'air ambiant une résistance qui, pour une vitesse donnée, est aussi parfaitement constante.
Le mobile, placé entre ces deux forces contraires qui tendent à l'équilibre, ne peut manquer de prendre et de garder une vitesse uniforme.
Un obturateur quelconque, agissant sur l'écoulement de l'air, permet d'ailleurs de régler cette vitesse dans des limites trèsétendues.

Restait enfin à compter le nombre de tours ou plutôt à imprimer à ce mobile une vitesse déterminée.
Ce problème a été complètement résolu de la manière suivante :

Entre le microscope et la glace à réflexion partielle se trouve un disque circulaire dont le bord finement denté empiète sur l'image qu'on observe et l'intercepte en partie; le disque tourne uniformément sur lui-même en sorte que si l'image brillait d'une lumière continue, les dents qu'il porte à sa circonférence échapperaient à la vue par la rapidité du mouvement.
Mais l'image n'est pas permanente, elle résulte d'une série d'apparitions discontinues qui sont en nombre égal à celui des révolutions du miroir; et, dans le cas particulier où les dents de l'écran se succèdent aussi en même nombre, il se produit pour l'œil une illusion facile à expliquer qui fait apparaître la denture comme si le disque ne tournait pas.
Supposons donc que ce disque portant n dents à sa circonférence fasse un tour par seconde et qu'on mette la turbine en marche, si en réglant l'écoulement de l'air on parvient à maintenir l'apparente fixité des dents, on pourra tenir pour certain que
le miroir fait effectivement n tours par seconde.

M. Froment qui avait fait la turbine a bien voulu se charger de composer et de construire un rouage chronométrique pour faire mouvoir le disque;c'est une pièce d'horlogerie très-remarquable, qui résont d'une manière élégante le problème du mouvement uniforme dans le cas particulier où il n'y a pas de travail à fournir
La réussite est tellement complète que journellement il m'arrive défaire tourner le miroir à quatre cents tours par seconde et de voiries deux appareils marcher d'accord à 1/10000 près pendant des minutes entières.

Cependant, après avoir obtenu toute sécurité du côté de la mesure du temps, j'ai été surpris de constater dans mes résultats des discordances qui n'étaient pas en rapport avec la précision des moyens de mesure; après d'assez longues recherches j'ai fini par trouver que la cause d'erreur était dans le micromètre qui ne comporte pas, à beaucoup près, le degré de précision qu'on lui attribue volontiers.
Pour faire face à celte difficulté imprévue, j'ai introduit dans le système d'observation une modification qui, finalement, revient à un simple changement de variable.
Au lieu de mesurer micrométriquement la déviation, j'ai adopté pour celle-ci une valeur constante, soit 7/10 de millimètre, ou 7 parties entières de l'image observée, et j'ai cherché par expérience quelle était la distance qu'il fallait établir entre le miroir tournant pour produire cette déviation; les mesures portant alors sur une longueur d'environ 1 mètre, les dernières fractions gardaient encore une grandeur directement visible qui ne laissait plus place à l'erreur.

Par ce moyen l'appareil a été purgé de la principale cause d'incertitude.
Depuis lors les résultats se sont accordés dans les limites des erreurs d'observation et les moyennes se sont fixées de telle sorte que j'ai pu donner avec confiance le nouveau chiffre qui me parait devoir exprimer, à peu de chose près, la vitesse de la lumière dans l'espace, à savoir : 298000 kilomètres par seconde de temps moyen.

 

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